mardi 4 octobre 2011

Élections tunisiennes : l'alliance des contraires

Comme toute société, la Tunisie, même limitée à Tunis, apparaît plus complexe et hétéroclite à mesure que l'on s'en approche, que l'on entend les individualités s'exprimer et les contradictions se préciser.

Ce pays habitué aux touristes (généralement peu regardants quant aux conditions politiques qui rendent leur séjour ensoleillé possible, où que ce soit) entrevoit dans la démocratie à venir, tant la promesse d'une nouvelle liberté, que d'une égalité plus manifeste entre les Tunisiens (le peuple, par opposition à la clique de l'ancien dirigeant), qu'une voie vers la prospérité économique - à commencer par le retour franc et massif des touristes.

Dès l'aéroport de Tunis - Carthage, à la question de savoir comment est actuellement la situation dans le pays, après l'agitation de la révolution et en cette période pré-électorale, le taximan d'environ 35 ans, tente de vous rassurer comme le ferait tout bon commerçant : « La situation est à 80 % calme ! » Or, tout le monde sait que le calme est bon pour les affaires, et le touriste est avant tout un partenaire commercial (justement un peu rare, en cette année troublée), au-delà d'une certaine idée de la démocratie qu'il véhicule un peu par défaut, comme Occidental.

Employé de l'hôtel, qui pourrait être le père du taximan, Ali considère, en fait de « calme », que « rien n'a changé en dix mois, depuis la révolution », ne fut-ce que parce que le système Ben Ali est toujours en place et que « les voleurs » sont toujours actifs. Pointant indirectement le fait qu'à l'évidence, il y a toujours deux temps entre le temps politique (parfois brutal) du changement et celui des mentalités (qui peut prendre une génération, voire davantage).

A contrario, Karim, un autre taximan, se veut positif quant à l'avenir politique qui suivra les élections, y compris à l'endroit des islamistes, dont il pense que s'ils devaient atteindre le pouvoir, ils ne poseraient pas de problème... au tourisme, car « un touriste reste un touriste » - tenue vestimentaire allégée comprise ! Le pragmatisme économique, là encore, l'emporterait donc largement sur les impératifs religieux. Les islamistes auraient l'avantage d'une certaine rigueur dans la gestion du pays, tout en ne touchant pas fondamentalement à ce qui reste la principale ressource de la Tunisie. Un pays qui resterait « proche », donc, comme un autre système nous le vendait il n'y a pas si longtemps.

Du côté des jeunes femmes, par contre, la vision semble plus nuancée et à tout le moins plus préoccupée, tant il est vrai qu'une fois que la religion se mêle de l'état, ce sont généralement les femmes dans leur ensemble qui ont à en subir les conséquences, primaires et secondaires. Or, les islamistes (au sein desquels on note des dissidences à partir du principal parti Ennahadah) font clairement monter les enchères à l'endroit des femmes, ce, qu'ils tentent d'imposer individuellement le port du niqab à certaines en faisant pression ou qu'ils tentent d'inclure cette question religieuse dans le débat relatif aux élections et au sein de la société, amenant certains à regarder soudain d'un autre oeil des cheveux féminins qui n'ont plus posé problème à personne depuis des décennies, en Tunisie.

Un trait essentiel semble tout de même réunir la plupart des Tunisiens, dont l'unanimité révolutionnaire, vue d'Europe, se double tout de même d'une profusion paradoxale de partis politiques (plus d'une centaine, à ce jour !) : plus rien ne sera comme avant, puisque la révolution a chassé Ben Ali et que les Tunisien-nes n'accepteront d'aucun pouvoir, élu ou non, un retour en arrière ou une simple variante de ce dont ils ne voulaient plus, jusqu'à le payer de leur vie, pour certains d'entre eux. Les blindés toujours présents sur l'avenue Bourghiba, devant le ministère de l'Intérieur (et l'Ambassade de France, un peu plus haut), lui-même cerné de barbelés et de soldats en arme, sont sans doute là pour le signifier. Reste à voir pour se protéger de qui.

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