mercredi 5 octobre 2011

Les reflets nuancés de la démocratie

La Tunisie en émulation c'est un espoir de voir les idées démocratiques s'ancrer plus avant autour de la Méditerranée, qui plus est au sein d'une population majoritairement jeune et ouverte sur le monde, et qui aspire à ce qu'on la reconnaisse comme telle.

Un certain nombre de ces jeunes s'engagent comme bénévoles au sein des partis nouvellement constitués, eux-mêmes parfois regroupés dans des entités plus larges, comme le PDM (Pôle Démocratique Moderniste - www.pole.tn) qui se définit comme un rassemblement brassant des tendances allant de la gauche progressiste à l'extrême gauche anti-impérialiste : « Al Qotb regroupe des partis politiques progressistes, des initiatives citoyennes et des personnalités indépendantes qui ont décidé de se regrouper dans des listes électorales communes (...) ».

La note d'intention du parti est sans grande ambiguïté quant à sa volonté de « réaliser les objectifs de la Révolution » dans le sens des idées qui prévalent dans tous les mouvements de gauche, actuellement, en Occident : instauration d'un régime démocratique, égalité des citoyennes et citoyens, justice sociale avec prise en charge des plus démunis, tolérance, enseignement gratuit, etc. On trouve même une déclaration résolue en faveur de l'environnement et de sa protection, à l'encontre de certaines entreprises trop polluantes, en vue de préserver les droits des générations futures.

Le Pôle, comme tant d'autres partis actuels, tient néanmoins un discours de gauche « modéré », en se présentant plus volontiers comme centriste, dans l'idée sans doute de ne pas effaroucher un électorat encore fraîchement investi de la responsabilité d'élire des représentants.
Les affiches du PDM, quant à elles, tendent à valoriser une équipe et un groupe, tous au même niveau, hommes et femmes confondus, ce qui le distingue des autres partis, indépendants ou non, qui figurent plus volontiers une somme d'individus (chacun dans une case), voire une figure charismatique emplissant les trois quarts de l'espace.

On aurait tort cependant, de ne pas remarquer ces subtiles nuances qui font du PDM (et des autres partis, à divers degrés d'affirmation) un parti proprement « tunisien » et arabe, avant que d'être de gauche ou de droite.

Ainsi, si la mention de « la séparation entre la religion et la politique » est écrite en toutes lettres, le mot qui sous-tend ce type de vision étatique n'est pas explicitement mentionné comme une forme de « laïcité », d'autant moins que le Pôle affirme que si l'État tunisien est libre et souverain, « sa religion est l'Islam ». Ce que contestent certaines personnalités comme Nadia El Fani (auteur du documentaire controversé « Laïcité, Inch'Allah »), qui se définit notamment comme Tunisienne et... athée.

De même, un passage de la Déclaration de principe marque une différence notable de point de vue avec les considérations européennes à l'égard d'Israël (même si la déclaration ne le nomme pas explicitement), puisque ce pays a tout de même bombardé le Sud de Tunis (Hammam Chott), en 1985, afin de détruire le quartier général de l'OLP de Yasser Arafat (objectif manqué par ailleurs). Détails (Wikipedia)
Dès lors, on ne peut manquer de relever cette phrase pour le moins ambivalente pour bon nombre de regards occidentaux et prônant : « Le rejet de toutes formes d’intolérance, de fanatisme, de discrimination, de violence et de tout ce qui est de nature à inciter à la haine entre les individus, les groupes, les races et les peuples. », assortie de « La lutte contre les mouvements racistes et sionistes. »

La question qui se pose, au-delà des jugements de valeur et des présupposés, tient donc toujours au caractère protéiforme de la démocratie, tant quant aux composantes antagonistes qu'elle tend à équilibrer au sein d'une société donnée, qu'au caractère polymorphe qu'elle revêt selon la société qui la développe de manière forcément inédite.

Pour paraphraser le PDM, la Tunisie est arabe, maghrébine et africaine et c'est respecter son identité tunisienne que de chercher à comprendre pourquoi et en quoi sa culture méditerranéenne ne sera jamais tout à fait pareille à celle qui prévaut dans les autres pays riverains, et certainement en Europe.

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